Politique : La gratuité pose-t-elle un problème vis à vis de la concurrence
Cet Article est la traduction d'une annonce officielle publiée par Google.
Après l’intervention de Chris Anderson à notre bureau de Washington cette semaine à propos du pouvoir de la gratuité, je suis tombé sur un article très intéressant qu’il a écrit pour CNN.com soulevant quelques questions provocatrices sur le fait de proposer des services Internet gratuits et des règles de concurrence. Tellement provocatrice que j’ai eu envie d’y répondre.
Chris a écrit :
Les entreprises doivent cependant faire des profits, il y a donc des limites à la gratuité. Ce n’est pas un problème pour Google. Leur programme publicitaire est si puissant, dominant et lucratif qu’il peut à lui seul financer tout ce que la compagnie entreprend, utilisant la gratuité pour séduire de nouveaux marchés. Est-ce juste, quand nombre de leurs concurrents n’ont pas à disposition une telle poule aux oeufs d’or ?
Mettant de côté de le fait que Google représente 3% des revenus publicitaires aux Etats-Unis, le financement croisé est bien évidemment assez courant dans beaucoup d’entreprises (comme Chris le décrit dans son nouveau livre), avec certains produits en finançant d’autres. Peu importe les profits ou le succès rencontrés par le produit, le financement croisé n’a jamais été considéré comme contraire aux règles de la concurrence. Si une entreprise choisit d’utiliser les profits générés par l’un de ses produits pour aider à subventionner un autre produits et le proposer à bas coût à ses clients, c’est en général une bonne chose.
Nous pourrions faire une analogie avec la bataille des conducteurs poids-lourd des années 80, lorsque des entreprises japonaises étaient accusées de “dumping” (vendre à bas coût) sur le marché américain.
Malheureusement, cette analogie ne tient pas la route, puisque les situations de dumping ne peuvent se produire qu’entre pays et sous des lois commerciales. Elles n’ont rien à voir avec les règles de concurrence et ne s’appliquent pas aux entreprises privées. Et si le dumping s’appliquait aux entreprises privées, la solution dans ces cas est en général d’obliger les entreprises impliquées à augmenter leurs prix. Chris, qui joue bien sûr l’avocat du diable — veut-il vraiment que Google fasse payer ses utilisateurs pour effectuer des recherche ?
Il y a eu des précédents d’entreprises privées pratiquant des tactiques dites “prédatrices”, visant à baisser les prix afin écarter tout concurrent pour ensuite les augmenter à nouveau. Mais encore une fois, même si vous pensez que c’est un argument valide (et beaucoup de commentateurs ne le pensent pas), personne ne peut croire que Google pourrait commencer à facturer des services comme la recherche et Gmail.
La gratuité serait-elle acceptable de la part de petites entreprises, mais pas des grosses ? Combien de parts de marché devriez-vous détenir pour ne plus être autorisé à proposer un service gratuit ?
Il est vrai que si une entreprise a le monopole sur un produit, elle pourrait ne pas respecter les règles de la concurrence si elle lie ce produit à un autre — par exemple en obligeant les clients qui achètent ce produit à en acheter un autre. Par contre, lorsqu’une entreprise propose des services gratuits indépendamment les uns des autres, personne n’est obligé d’acheter quoi que ce soit. D’autres entreprises proposant le même produit mais payant pourraient en souffrir, mais ce n’est en aucun cas un problème de concurrence.
Gardez à l’esprit que les règles de la concurrence sont du côté des consommateurs, pas des entreprises concurrentes, et du point de vue des clients, des produits gratuits sont en général appréciés.
Comme l’entrepreneur Alex Iskold l’a souligné, Google utilise les profits générés par son programme publicitaire dominant pour financer la compétition contre Microsoft dans le marché des suites bureautiques (Google Docs).
Microsoft, de son côté, fait exactement l’inverse, en utilisant les profits générés par sa suite bureautique dominante (Microsoft Office) pour financer la compétition contre Google dans le marché de la recherche (Microsoft Bing). Danc chaque cas, les entreprises utilisent un produits très lucratif pour en proposer un autre gratuitement, avec l’espoir de gagner des parts de marché.
Au lieu d’amplifier la thèse du problème de concurrence, l’exemple de Chris démontre qu’il y a en fait un compétition robuste, entre deux entreprises utilisant des stratégies similaires pour séduire des utilisateurs. C’est la compétition en action !
Par Dana Wagner, Conseiller en concurrence